Kerygma 2023 : quel beau rassemblement vécu avec la province de Rouen et toute l’Eglise de France du 20 au 23 octobre dernier !
Venus de toute la France, de la Belgique et de Suisse, nous nous sommes retrouvés à Lourdes, plus de 2500 participants, 400 clercs dont 40 évêques, pour 4 jours joyeux et stimulants de formation, ressourcement et rencontres ; l’enjeu : comment transmettre aujourd’hui à nos contemporains le cœur de notre foi : Jésus Christ mort et ressuscité pour nous.
Nous étions 14 de notre diocèse et divers services représentés : catéchèse et catéchuménat, formation permanente, aumônerie des jeunes, pastorale des familles, préparation au baptême des petits enfants et accompagnement des familles en deuil.
Nous avons pu retrouver élan et joie dans nos missions respectives grâce à un programme à la fois nourrissant et stimulant, fraternel et ludique, sans oublier la beauté.
Les premiers intervenants ont ouvert la session par un état des lieux nécessaire : le monde dans lequel nous vivons pour servir et annoncer.
Philippe Portier, professeur en sciences politiques, nous a permis de réfléchir par une analyse fine au phénomène lourd de décatholisation de la France en particulier depuis les années 50.
Quelques chiffres éloquents : en 1950, 94% des Français se disaient catholiques, ils ne sont plus aujourd’hui que 30%, 37% disaient se rendre à la messe tous les dimanches, ils ne sont plus que 8% à y aller une fois par mois. En 1907, 1700 prêtres étaient ordonnés en France, en 2022, ils sont 60.
Par ailleurs, les lois successives sur l’IVG, la PMA, le mariage homosexuel et la fin de vie témoignent d’une décatholisation sociale et politique forte, ces lois étant encore impensables en 1950.
Malgré ces marqueurs objectivement alarmant, Philippe Portier nous a ouvert des perspectives comme « capital d’enracinement » :
Quelle institution peut encore rassembler autant que l’Église ?
La justice sociale et l’écologie ne sont-elles pas des lieux de convergence où l’intérêt général rejoint l’attention chrétienne au bien commun ?
Chez nos contemporains, l’attente d’une spiritualité, un désir de sens, d’une transcendance renouvelée sont souvent repérables.
Comment l’Eglise peut-elle honorer ces attentes ?
Mgr Vincent Jordy, archevêque de Tours, a complété cette analyse par un regard de foi, ouvert par cette question : croyons-nous que Dieu soit à l’œuvre dans notre vie ?
Il nous a ainsi invités à entrer dans un regard spirituel, à discerner ce que Dieu opère dans l’histoire aujourd’hui.
« Ce sont les yeux de notre cœur qui donnent l’instinct des choses de Dieu », a-t-il affirmé. « L’Esprit Saint agit de manière persévérante à la manière d’un fleuve. En poussée. Il s’agit de collaborer, consentir à son action. Être réceptif à la grâce de Dieu. »
Comment notre Eglise comprend-elle l’évangélisation depuis le Concile ?
Dans les premiers temps, on a eu tendance à se focaliser sur les méthodes au risque de négliger le contenu même de la foi.
Dans sa « lettre au début du 3e millénaire », Jean-Paul II rappelle ce que doit être l’âme de l’évangélisation : la perspective est la sainteté.
Désires-tu recevoir le baptême signifie veux-tu devenir un Saint.
Benoît XVI, quant à lui, considère que l’Eglise a toujours évangélisé. Pour lui, dans ce contexte de sécularisation, la nouvelle évangélisation doit nécessairement prendre en compte le temps. En veillant à ne pas viser des masses.
Il porte aussi notre attention sur l’Adoration, essentielle pour retrouver le sens de Dieu, faire l’expérience de la rencontre de Jésus et d’une amitié avec lui. L’Eglise ne doit pas faire de prosélytisme, mais se développer par attraction.
Le kérygme étant l’annonce centrale et impétueuse de la foi, nous devons veiller à articuler catéchèse et évangélisation.
Dans son exhortation « la joie de l’évangile » en 2013, notre pape François nous rappelle qu’elle « remplit le cœur et toute la vie de ceux qui rencontrent Jésus. La joie naît et renaît toujours avec le Christ. »
L’évangélisation dépend donc en priorité de la qualité de notre vie spirituelle.
Isabelle Morel, docteur en théologie, Roland Lacroix, professeur de théologie catéchétique et pratique et le père Christophe Raimbault, vicaire général du diocèse de Tours, nous ont aidé à poser les fondations d’une dynamique missionnaire dans laquelle nous voudrions être des acteurs renouvelés et émerveillés du mystère pascal.
Un kérygme congelé n’aurait pas survécu à 2000 ans de christianisme.
Posons-nous les questions suivantes : qui a vraiment envie d’être sauvé aujourd’hui ? De quoi avons-nous besoin d’être sauvé ?
Comment annoncer le kérygme en termes et en actes crédibles et audibles ?
« Jésus christ t’aime, il a donné sa vie pour te sauver et maintenant il est vivant à tes côtés chaque jour pour t’éclairer, te fortifier, te libérer » : voici comment François annonce vigoureusement et clairement le kérygme dans « Il vit le Christ ».
Quels sont les combats dans lesquels le Christ vient me rejoindre ?
« Je vis, mais ce n’est plus moi, c’est le Christ qui vit en moi » Ga 2, 20. Paul ne nous invite-t-il pas à sa suite à y consentir et par là à nous convertir ? Réconciliés à Dieu par la Croix, la bonne nouvelle est toujours nouvelle, toujours bonne pour nous à travers le nom même du sauveur annoncé : Jésus « Dieu sauve », Emmanuel « Dieu avec nous ».
Notre témoignage doit entrelacer l’histoire de Jésus, la vie de l’Eglise et notre vie. Pour qu’il rejoigne la narration de vie de ceux qui nous sont confiés.
Quels sont les lieux ou les occasions de relire notre propre histoire avec le Seigneur, les lieux ou les occasions d’annoncer le cœur de notre foi ?
Dans nos activités pastorales, quelle place faisons-nous au récit de vie ?
Chaque moment peut se révéler un moment favorable pour rendre présent le « déjà là » du royaume de Dieu dans un « pas encore ». On est tous des « Christophore » : porteurs de la joie du Christ par notre témoignage de vie. Ce témoignage ne peut être qu’ecclésiale, communautaire. Quel soin portons-nous à l’annonce ?
Faisons appel à notre créativité pour que notre annonce se fasse chair, en paroles et en actes. Le langage symbolique est là pour nous ouvrir l’accès au mystère.
Il s’agit d’accompagner la parole et le rite, pour qu’ils s’incarnent dans la vie.
Le véritable mystagogue est bien le Christ lui-même « Je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin des temps ».
Le cardinal François-Xavier Bustillo, évêque d’Ajaccio nous a proposé en ce dimanche des missions une réflexion sur l’être du disciple-missionnaire.
Regardons la première église dans Actes 2 : Avec une homélie, Pierre fait 3000 convertis. Nous, avec 3000 homélies on en convertit 1 !
Pour vivre en disciples missionnaires, n’hésitons pas à relire ce beau patrimoine humain et spirituel heureux et courageux de notre foi.
Vivre.
Dévorés par le temps, sous pression ou en dépression, il est difficile de vivre de manière sereine notre mission.
Le savoir, le pouvoir, le paraître dominent notre manière d’être dans le monde.
L’Eglise ne peut pas suivre ce modèle dont l’avenir est la tristesse.
L’homme moderne oublie la vie : la lecture, la musique, la nature.
Et nous chrétiens, ne mettons-nous pas trop souvent aussi l’action à la première place ?
La fatigue intérieure peut alors faire naître la passivité, la médiocrité.
Vivre comme disciple.
Le chrétien ne doit jamais oublier cette parole d’autorité de Jésus : « toi suis-moi ». Mat 9,9.
Le disciple se laisse guider, il écoute, il se laisse transformer.
Dans Marc 3, 14, le Christ appelle les douze pour qu’ils soient avec lui. Les disciples avant de partir sont avec Jésus.
Pour évangéliser, il faut avoir Jésus dans le cœur nous dit le pape François.
Nos contemporains recherchent le chant des oiseaux, les cascades, la tisane, sont en quête de paix intérieure, beaucoup parlent de leur spiritualité. Nos églises sont des lieux uniques qui portent en elles le sacré.
Ne nous habituons pas à l’écoute de la Parole, libérons-la de l’encre et du papier.
Vivre en disciples missionnaires.
Le pape nous invite à sortir d’un regard lié à la fatigue, à la colère, au ressentiment. Notre monde attend, soyons créatifs.
Dans notre Eglise, il y a les défenseurs du confort : on a toujours fait comme ça, au risque de perdre la force du signe. Il y a aussi les défenseurs de l’effort : il faut. On oublie d’aimer.
Faisons confiance à l’esprit de Dieu qui agit comme il veut et où il veut.
L’esprit Saint nous pousse pour être témoins (Actes 1,8). Dans ce monde, nous sommes envoyés pour apporter du goût à la vie, pour que la vie soit lumineuse (sel de la terre et lumière du monde).
L’onction est le moteur de la mission (Luc 2).
Notre société a besoin de témoins heureux.
L’homme moderne s’épanouit plus par ce qu’il fait que parce qu’il est. L’activisme déstabilise l’homme. On assiste à une obsession de la performance et du résultat.
Nous, chrétiens, ne sommes pas appeler à produire mais à être féconds, à bien faire les choses dans le moment présent.
Jésus nous apprend la gratuité, la confiance, à éviter l’agitation (Mat 6,32), à passer du personnage à la personne. Le désir profond de paraître, d’être sur scène cache un déficit d’être et une peur de disparaître. (Mat 23, 5-7). Jésus prêche aux pharisiens l’authenticité, la cohérence entre l’extérieur et l’intérieur.
Pour combler un réel déficit d’espérance, la jeunesse d’aujourd’hui a besoin de l’amour puissant de l’évangile, via des personnes chastes : par la bonté, la compassion, l’amour nous sommes appelés à répondre à la soif d’amour.
Quelle est la qualité de notre vie intérieure ?
De quoi vivons-nous ? Pourquoi vivons-nous ? Depuis la Genèse Dieu nous interroge : où es-tu ?
La vie intérieure est liberté.
La croix nous ouvre à une vie nouvelle : lutter et aimer.
Ne craignons pas nos combats intérieurs, ils nous fortifient.
Notre unique mission est l’évangile.
La bénédiction est un projet de vie.
Et si nous disions du bien les uns des autres ?